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TR n°2
20/10/2016

Le 10 février 2014

C. a répondu. Pas de la manière la plus élégante. Je ne suis pas non plus toujours élégant. Le trou noir s'étant évaporé il emporte avec lui une part de mes illusions. Bien d'autres persistent.

Peu de temps après ma première expérience, comme je l'avait dit dans mon précédent TR, j'avais manifesté de la déception quand au produit, mais son esprit semblait m'habiter encore discrètement. Comme une présence ou une inspiration. J'ai cette idée curieuse que la réalité est une chose vivante en soit, et qu'il est possible de communiquer avec. Jung parlait de synchronicité pour un phénomène à mon sens similaire. Après mon premier trip il restait moins d'un gramme et demi de champignons. J'ai tout gobé un dimanche matin de la même façon. Avec un vers d'eau. Mon trip à été successivement perturbé par plusieurs petit événement anodin qu'il n'est pas intéressant de mentionner. L'expérience aura duré deux à trois heures. Nous retiendrons notamment ce moment tristement comique où, confus, je tâtais à l'aveugle dans le boitier électrique -propriété d'EDF- de chez moi pour attraper mon portable que j'avais fait tomber dedans. Il n'y avait que des files de phases, neutre, et de terre qui ont manqué de me faire gagner les darwins awards 2014.

Les effets se sont fait sentir 40 minutes après ingestions. Tranquillement en train de refaire le papier peint de mon bureau -assurément psychédélique-. Quand soudain il me semble que je me déconnecte. Tout me semble étrange. Tout semble m'appeler. Une lourde fatigue m'arrasse. Pour une obscure raison mon oscilloscope est allumé. Le signal bruité qui s'y affiche est vaguement périodique et semble traduire un état de confusion mental croissant. Je l’éteins. J'ai besoin de m'assoir. La lumière semble irréel. C'est un peu le malaise à vrai dire, je comprend évidement tout de suite ce qu'il m'arrive. Je suis amusé de physiquement ressentir un truc et me laisse surprendre. Je suis étonné que les effets se manifestent de cette façon avec une si petite dose.

Il ne fait pas beau dehors. Une lumière blafarde jaunâtre traverse les nuages et s'efforce de réchauffer l'air et les couleurs de l'extérieur. Par instant la lumière se reflète de tel sorte que, sur le goudron mouillé, si l'on plisse les yeux, éblouit, on pourrait penser que c'est la mer. Des bourdonnements et des sifflements sourds me traversent le corps. Je connais cette sensation. C'est comme quand je m’apprête à sortir de mon corps sans le vouloir. Je suis incapable de me concentrer, et je me sens sensiblement oppressé. J'appréhende un coup de fil ou une interaction humaine requérant des phrases construites. Je m'allonge à même le sol, sur la moquette. Je reste là un moment bouche bée. Mon corps semble paralysée. Seule mes yeux semblent encore relativement dynamique. Je m'amuse à flouter ma vision comme lorsque, tout petit, incapable de dormir, je me prêtais à ces jeux optique, en fermant plus ou moins mes paupières.

Je suis étendu dans la lumière. Le ciel est gris, mais la pièce est très clair. À un moment, une camionnette se gare devant chez moi. Le ronronnement du moteurs m'apaise et me berce. Bien que je ne la vois pas, j’entends la portière s'ouvrir. J’entends les pas et les clapotis. J’entends le moteur. Je reste ainsi un moment. La pièce semble vivante, et chaque motif, chaque forme semble chargé d'une histoire confuse. Des formes se précisent, d'autres disparaissent. Je rêve. Je ressens de lourdes vagues à mesure que le moteur bourdonne. Je suis dans cet état si particulier ou mon esprit semble pouvoir se détacher de mon corps à tout instant. Il me semble être véritablement entre deux réalités.

Entre la réalité et le rêve, il n'y a rien. Dans cet endroit la mémoire est un fardeaux pesant. C'est peut-être plus vide encore que l'image que l'on se fait de la mort. L'horizon de cet espace intermédiaire est tapissé d'entités et de concepts volatiles. De loin, le monde semble déstructuré. Sans cohérence, à l'image d'un rêve confus dont persisterait pourtant l'impression que l'on serait impliqué dans une conjecture grave, des enjeux important. Ce qui est angoissant, c'est de ne pas pouvoir comprendre la quantité d'information qui me submerge. Pourtant à ce moment là, la réalité lointaine semble plus loquace. Et nous semblons entreprendre de communiquer, ou du moins poser les fondements d'une interaction intelligible. Ce n'est pas exactement Dieu, la réalité serait plus comme un langage, une interface dont on ne saisit absolument le sens la plupart du temps. Je me souviens que lorsque je parle de philosophie au chat, lui n'entend que du bruit. Pour lui, la réalité, c'est avant tout sa sieste, le radiateur, le bol de merde aseptisé que je lui sert et qui me coûte la peau du cul et, bien sûr, ses éternelles querelle avec le chat du voisin. Intelligence fractal convergente me dis-je. En ce moment, un Inconnue me parle, il me parle depuis toujours, mais c'est à peine si je l'écoute ou même tente de vraiment le comprendre sans que ma condition d'humain faible et peu concentré prennent le dessus. Sans que mes habitudes, mes désirs, la médiocrité d'un quotidien morbide s'empare de moi.

De ce chaos quelque chose de clair apparaît. Un énième avertissement, un appelle à ne pas s'égarer du chemin. Je suis un rescapé, un fortuné. Pour combien de temps? J'ai chuté de nombreuses fois et Il m'a relevé alors que d'autres sont resté à terre.

Je me redresse brusquement, le son du moteur à quelque chose d'étrange. D'inconsistant. Je l'entend dans ma tête, mais la camionnette est partie. Plus d'une heure s'est écoulée. Les objet jaune dans la pièce ressortent particulièrement plus que tout le reste, et cela me frappe. Je prête l'oreille. J'entends mon téléphone portable sonner. Je me relève, déséquilibré. Et tente de me rappeler où j'ai bien pu le poser. Sur le boitier EDF. Le vibreur le fait se déplacer, et je n'ai pas le temps de le saisir qu'il tombe dans le SEUL PUTAIN de trou de ce PUTAIN de boitier électrique.

Après cet incident, je redescend doucement. Troublé, naturellement. Bien que satisfait, je réalise comme je suis bloqué. J'étais tellement persuadé d'être maître de ma conscience à force de rêve lucide. Je réapprend à rêver, et à vivre. Je réapprend à être humble et à craindre que mon esprit défaille, de perdre ce que j'ai acquis spirituellement. Un héritage qui tout compte fait constitue quelque chose de bien fragile.

J'en veux encore.