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TR n°3
20/10/2016

Aout 2015

Je cherchais quelque chose de plus visuel et de beaucoup moins mental dirons nous. Une troisième tentative avec les champignons l'été derniers, au dernier festival de la Hadra dans le Vercors, semble avoir confirmé que ça ne correspond pas à ce que je cherche, mais ce pourrait être aussi une question de dosage et d'état d'esprit. Toujours est-il que j'ai pu mettre la mains sur de la Salvia Divinorium, de la bonne du terroir, si l'on peut dire. Je m'efforçais à ce moment de me défaire des aprioris que j'avais développé sur les effets en lisant les trip reports d'autres psychonauts, retenant que ce que j'avais vécu avec les champignons était finalement assez différent de ce que j'avais lu. Encore une fois le dosage et l'état d'esprit y sont sans dans doute pour quelque chose.

La Salvia se chique ou se fume. Je n'aime pas fumer et il paraitrait que chiquer la Salvia augmenterait substantiellement ses effets. Mon amie et moi même choisîmes donc de mâcher la plante jusqu'à ce que les effets apparaissent. Nous avions préparé un grand bol de feuilles fraiches. Pendant ce temps, et bien que je n'étais guère inquiet d'un éventuelle accident ou bad trip, je m'assurais que son appartement, qui donc serait le lieu de notre trip, ne présenterait aucun danger potentiel.

Le goût est infâme. Il est peu probable que vous ayez déjà gouttez quelque chose d'aussi infecte. C'est d'autant plus difficile qu'il faut garder la mixture ainsi malaxée en bouche. La substance active pénètre par les muqueuse, en cas d'ingestion, celle-ci est détruite et ne pénètre pas dans le sang. Nous poursuivons péniblement la chique assis sur le canapé de mon amie. Malheureusement pour elle, le goût est tellement ignoble qu'elle finit par tout recracher et vomir par la même occasion.

Elle reviens à mes côtés. Des effets très léger se font déjà sentir, nous ressentons vite une pesanteur dans notre corps et notre esprit. Ne pouvant pas parler, parce que la bouche pleine, je lui propose avec la main de nous coucher dans le lit. J'aurais voulu (et j'aurais sans doute du) garder en bouche plus longtemps le produit que je recrache finalement peu de temps après elle. Je l'embrasse du bout des lèvres. Je la sens un peu déçu de ne pas avoir pu garder en bouche la Salvia, découragée aussi peut-être.

Allongé l'un contre l'autre je l'enlace dans mes bras, mais je ne suis pas bien installé. Ce n'est pas exactement de la fatigue, mais je ressens le besoins d'immobilité et de confort. Je lui explique et je m'excuse, je sais qu'elle veut être contre moi. Je reste collé à elle, mais détendu de tout mon long, emmitouflé avec elle sous sa couette patchwork. Bien qu'elle ne dise rien je ressens qu'elle perçoit quelque chose. Au bout d'un moment elle me dit qu'elle contemple les légères déformations de l’environnement. Comme moi, elle est assommée par la substance. De mon côté, c'est plus que des déformations. Je n'ai pas spécialement d'états d'âmes, c'est très visuel et ça me plait ainsi. Je me rend tout de même compte que comme pour elle, la dose est faible. C'est comme si le trip était lointain. Je suis à mit chemin entre le vrai monde et « là-bas ».

Je ne suis pas sûr qu'elle le perçoit comme moi, pour elle l'environnement ne fait qu'onduler, ce qui est déjà pas mal quand on a pas l'habitude, j'imagine. C'est comme si notre être était multidimensionnel. Il faut entendre par là que celui-ci s'étend au-delà des trois dimensions physiques. C'est comme si cet être, dont le prolongement est l'esprit, changeait de perspective ; de dimension. Par décalage ou translation successive sur l'un des axes d'une dimension inconnue du commun des mortels. Je repense alors à une expérience de pensée que j'avais imaginé. Lorsque vous faites de l'infographie 3D ou des mathématiques vous représentez le mouvement d'un corps ou d'un objet en fonction du temps qui correspond à une dimension à part entière. Je me demandais alors ce qu'il se passerait visuellement si l'on inversait l'axe x,y ou z avec t. Comment cela affecterait-il les formes et le mouvement?

À mesure de cette lente progression vers « l'autre côté », effectivement, l'environnement ondule et se transforme en un autre monde. Il devient évident que le temps est une dimension spatial. Ce n'est pas le temps qui s'écoule, c'est la conscience qui glisse dans un univers statique. Les objets les plus insignifiants semblent habités par un esprit qui les animes, littéralement.

De l'autre côté de la chambre en bazar, des vêtements sont jetés pêle mêle sur les meubles, et notamment une chaise solitaire et encombrante que mon amie aime d'autant plus qu'elle est orange. Mon regards semble figé sur ces vêtements. Ils semblent voler majestueusement. Les plis du tissu s'anime gracieusement, comme des méduses à la dérive ou un voile sous la brise. J'ignore si c'est l'univers qui bouge ou si c'est le vêtement qui se déplace. Il ressemble à une créature étrange et inoffensive, le genre sans système nerveux complexe et qui se nourrirait de micro organisme invisible à l’œil nu.

Malgré les visions je sens qu'il me faut un effort de concentration pour les maintenir. Je ressens mon corps vibrer comme si j'allais sortir de celui-ci à tout moment. Non, ça n'arrivera pas me dis-je. J'y suis encore bien encré. Je n'en ai pas assez pris. Le lit semble immense, comme un océan, les plis de la couette ondulent, c'est comme si j'étais sur un océans de tissu multicolore. C'est vraiment magnifique. Par instant on croirait à un décors de théâtre de papier et de carton animé en coulisse, derrière la scène. Je suis minuscule dans cet espace si grand.

Je suis frustré de ne pas avoir gardé la Salvia plus longtemps en bouche ça aurait pus aller plus loin, je le sens, c'est certains. Je m'endors finalement avec mon amis qui ne m'as pas attendu pour perdre connaissance.

Au réveil, elle me confirmera n'avoir finalement rien vu d'extra ordinaire si ce n'est des distorsions de l'espace, très légère, comme tout le reste de notre trip.

Peut-être la plante s'introduit elle à nous doucement. Peut-être est-ce une invitation à quelque chose de plus profond.